Je suis l'enfant de la
misère,
Et le dur travail est ma loi.
Le riche, dit-on, est mon frère ;
Mon frère pense-t-il à moi ?
Si le travail vaut la prière,
Juste Dieu, je m'adresse à toi !
Du berceau jusqu'au cimetière,
Longue est ma chaîne de labeurs !
Mais le travail fait l'âme fière,
L'oisiveté, les lâches cœurs.
Seigneur ! donne-moi ta lumière,
Je suis le fils des travailleurs !
C'est le travail qui rend féconde
La vieille terre aux riches flancs ;
C'est le travail qui prend à l'onde
Corail, perles et diamants ;
Au travail appartient le monde,
Aux travailleurs, à leurs enfants.
Mon riche frère aux mains oisives,
Je suis fils de Dieu comme vous !
Nous sommes d'inégaux convives
Dans le banquet servi pour tous ;
Mais l'amour rend les forces vives ;
Si tu veux, mon frère, aimons-nous !
Si notre origine est commune,
Pourquoi nous haïr plus longtemps ?
De ton orgueil naît l'infortune,
Ma haine a des rêves sanglants.
De deux âmes n'en faisons qu'une ;
Dieu nous a nommés ses enfants !
Si tu veux, nous irons sans cesse,
Bras enlacés, âmes sans fiel,
Oubliant tout ce qui nous blesse
Dans un même effort fraternel.
J'aurai nom : Force ! et toi : Tendresse.
Frère, l'amour est fils du ciel !
G.Bruno (Augustine Tuillerie), Francinet
, chap.12 (1869)
En 1869,
Augustine
Tuillerie, alias
G.Bruno,
publiait
Francinet.
Livre de lecture courante. Principes élémentaires
de
morale et d’instruction civique,
d’économie politique, de droit usuel,
d’agriculture, d’hygiène et de sciences
usuelles,
son premier "roman pédagogique". Le second est plus connu et
fut
un énorme succès de librairie : il s'agit du
Tour
de la France par deux enfants...
Augustine Tuillerie
(1833-1923) est une
femme étonnante et il est dommage que personne n'ait encore
fait le
travail historien qui nous permettra de mesurer tous ses talents. Tout
d'abord, en tant que femme, elle semble avoir réussi
à imposer sa
liberté, à une époque où la
bourgeoisie était d'abord masculine.
Ensuite, idéologiquement, le déploiement de son
œuvre coïncide avec la
construction sociale et politique de la laïcité.
Enfin,
pédagogiquement, sa conception de l'éducation est
globalisante et
relativement prémonitoire (négociation de
l'articulation entre travail
et l'apprentissage, etc.)... L'article que lui consacre Wikipédia
est très limité. Du coup, moi qui ne suis pas
historien, j'ai ouvert un
chantier concernant Augustine Tuillerie et le thème de "la
chanson du
pauvre" sous la forme d'une carte heuristique
- que j'espère pouvoir terminer bientôt (si jamais
un tel travail est
"terminable"). Toute remarque ou tout apport visant à
m'aider à
alimenter cette carte (CmapTools) seront bienvenus. Ce
qui pourrait ainsi donner lieu à une mise sur la place
publique de ce travail.
La
chanson du pauvre,
en 1869,
c'est un chapitre du roman Francinet,
et une page en annexe qui donne la chanson même, paroles et
musique de l'auteur - la page reproduite ci-dessus.
La chanson du pauvre, en 1869, c'est
la chanson que fredonne, la nuit,
un enfant qui travaille, encore et toujours,
c'est "dans le silence de la nuit, une voix [qui
s'élève], une petite voix d'enfant, triste,
plaintive"...
La chanson du pauvre, en 2008, c'est une
chanson pour chœur à 4 voix mixtes que
j'offre à la communauté chantante.
Les six strophes sont traitées, chacune
différemment. Elles
sont précédées d'une introduction sans
parole (strophe
n°0) où le thème est
harmonisé très simplement. Suivent
les strophes 1 et 2 sont harmonisées à 3 voix :
le thème est donné aux
femmes et/ou aux enfants, les deux voix d'hommes faisant "accompagnement", puis aux
hommes, les deux voix de femmes et/ou d'enfants les accompagnant. Les
deux strophes suivantes sont harmonisées à 4
voix, la strophe 3 de
façon très classique, la suivante avec dans une
écriture harmoniquement
plus ouverte. Suit
la strophe 5, un duo très simple voix de femmes et/ou d'enfants/voix
d'hommes, qui peut
être chanté par le chœur, par un plus
petit ensemble, voire par deux
solistes. Enfin,
la dernière strophe, avec son début
fugué, est d'une écriture un peu
plus complexe, mais reste très simple à chanter
(pas comme mes autres partitions
!).
Pour faciliter le travail des chefs, j'ai
confectionné une réduction
clavier de l'ensemble.
J'ai voulu, en travaillant cette page de Francinet,
à la fois rendre hommage à cette femme
extraordinaire que fut Augustine
Tuillerie et offrir une musique simple et facile d'accès aux
chorales
d'amateur(e)s - c'est-à-dire à tous ces gens, si
nombreux dans le
Nord-Pas de Calais, qui pratiquent assidument leur passion,
forcément
partagée, pour la musique chorale.
Enfin, en cette année anniversaire de la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme (DUDH),
le texte d'Augustine Tuillerie, malgré son
côté bigot d'un autre temps
(compensé par le voisinage d'un Jean Macé - cf.
en haut de ma carte heuristique), est d'une
actualité stricte... Hélas !
Si vous
êtes arrivé sur cette page directement, sans
passer
par la case "Tard-Bourrichon", il vous suffit de ... vous y rendre.
© Bruno
Richardot, mars-avril 2008